Avant-propos
Puisqu'on me
propose de rééditer aujourd'hui ce livre devenu introuvable, je ne vois aucune raison de m'y opposer, et même je vois toutes sortes de bonnes raisons d'accepter cette proposition. L'une d'entre elles, et non des moindres, tenant
au fait que la Chine n'est plus du tout perçue aujourd'hui comme elle l'était à l'époque.
En 1974, date à laquelle ce voyage eut lieu, la Chine était essentiellement perçue comme une opposante à l'URSS et aux partis communistes occidentaux. Elle est apparemment perçue aujourd'hui (tout en restant communiste) comme une rivale économique des États-Unis.
Si l'on m'avait dit alors que la Chine communiste survivrait à l’Union soviétique, je ne l'aurais sans doute pas cru.
Ce voyage fut préparé et organisé par Philippe Sollers, et
par la revue Tel Quel qui se trouvait plus ou moins encerclée par l'idéologie du parti réformiste stalinien, qu'il s'agissait de faire éclater d'une façon ou d'une autre. Et la Chine, pour des raisons de culture spécifique, s'est révélée la solution la plus immédiatement évidente.
Je ne prétends pas qu'au départ une certaine naïveté de ma part n'était pas en jeu dans ce qui motivait ce voyage. Mais, comme l'indique bien la préface rédigée lors de la première
publication de ce volume (1980), ce voyage n'en fut pas moins aussi préparé que possible par toutes sortes d'études sur la réalité culturelle et historique de la
Chine. Les livres ne manquaient pas, de Marcel Granet à Joseph Needham (voir entre autres le n°50, été 1972, de la revue Tel Quel),...Et, ces lectures faites, la Chine n'était plus
tout à fait seulement ce qui alimentait l'actualité mais un grand pays doté d'une non moins grande et très singulière civilisation qui ne pouvait que justifier les divers débats politiques alors en jeu.
De ce point de vue, l'expérience fut infiniment plus enrichissante que prévue, malgré diverses et inévitables déceptions. Les pages qui suivent témoignent aussi clairement que possible de l'essentiel de ces enjeux et de leurs fondements essentiellement poétiques.
À leur relecture,
je me persuade qu'aujourd'hui comme alors, proche et toujours lointaine,
la Chine ne saurait échapper à la mythologie et au lyrisme propres à toute réelle et familière étrangeté.
C'est aussi pour mieux manifester cette familière étrangeté, que j'ai tenu à ce que cette réédition soit accompagnée d'un dossier de photographies prises lors de ce voyage par les divers membres du groupe.
Marcelin Pleynet
Paris, 2012