Philippe Sollers

INTERVENTION

 

Hommage à Elizabeth II

 

 

 

  J’ai toujours été très étonné, depuis mon enfance, de constater la passion anti-anglaise de mes contemporains français. Très tôt, mais combien de fois devrai-je le redire, j’écoutais les messages de Radio Londres, où « les Français parlent aux Français ». Rien à faire. Je ne trouve personne, dans cet hexagone aujourd’hui effondré, qui ait l’air de se souvenir que l’Angleterre a gagné la guerre entre 1940 et 1942. Je pourrais redire indéfiniment mon admiration pour la couronne britannique (ce que je fais), sans que cela change rien au refoulement violemment historique dont elle est l’enjeu.

 

 

  Très tôt, donc, j’ai admiré ce jeune garçon énergique de 17 ans, qui n’est autre que la future Reine d’Angleterre, qui fête, ces jours-ci, ses 88 ans. Elle est, à l’époque, ambulancière et infirmière, elle fait son travail, continué par cet exercice militaire, où on la voit tirer sur tous ses ennemis. Le document est incontournable. Il est logique qu’il soit suivi des adieux au rugby de ce génie, anobli par la Reine, Jonny Wilkinson, fêtant son départ par l’un de ses coups de pied magiques, venu de très loin dans la concentration, comme une prière, de tout un peuple. Nous sommes au Stade de France. Que des Anglais et des Français puissent chanter ensemble, à cette occasion, le God Save the Queen, me prouve qu’il s’agit là d’un événement inouï. Je n’ai rien à ajouter, comme d’habitude dans le désert, sauf que, de façon très discrète, en privé, j’embrasse, à l’insu de toute image, la Reine elle-même. Elle me reconnaît, comme sa mère, autrefois, à Bordeaux. Vive ma vie ! Vive la France libre !

 

 

 

PHILIPPE SOLLERS

 

Londres, samedi 14 juin 2014, 19h00

 

 

 

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