Philippe Sollers
 

La négation de la négation… avec Hegel

 

Philippe Sollers - Mouvement

 

Philippe Sollers poursuit son « jeu » à décrire la société de son temps de façon très critique.

«Qu’arriverait-il à la pensée s’il n’y avait plus personne pour penser ? » Rien, répond Philippe Sollers dans Mouvement. L’écrivain a pris cette fois-ci Hegel comme grand homme de compagnie, comme il avait pris Nietzsche dans Une vie divine (Gallimard, 2006). Hegel parce que celui-ci connaît à fond la Révolution française et l’esprit du christianisme… Heureusement, le narrateur a rendez-vous avec Lénine, dans un rêve extraordinaire, où le grand révolutionnaire – en grande forme – semble très au courant de toute l’histoire du XXe siècle, jusqu’à ces jours-ci, au XXIe siècle…

Tout est humour chez Philippe Sollers

Jeu. C’est ce que fait Sollers depuis toujours ; en tout cas depuis qu’il écrit des livres – depuis 1958, très exactement, quand il a publié Une curieuse solitude, ce premier roman qui avait tant plu à Aragon (et à Mauriac !). Aussi bizarre que cela puisse paraître, Philippe Sollers aurait même tendance à se dire « ermite » (c’est ce qu’il fait dans Un vrai roman. Mémoires, qu’il a publié en 2007, chez Plon).

Dans Mouvement, il raconte qu’il a lu, très jeune, le livre absolument admirable de Georges Bataille : Lascaux ou la naissance de l’art ; et aussitôt, qu’il avait foncé vers la grotte enchantée… Il y est toujours : au milieu des taureaux, des bisons, des vaches, des bouquetins, des chevaux, des rhinocéros, des cerfs, des blasons, dans le flamboiement des couleurs, où il a entendu un énorme son qui n’a jamais quitté sa mémoire, raconte-t-il… C’est le génie de l’homme de Lascaux, sa spontanéité insoumise, disait Bataille, dont Sollers a souvent dit que, de tous les personnages rencontrés, c’est lui, et de loin, qu’il admire le plus. Le dernier des écrivains heureux : Roland Barthes avait dit ça à propos de Voltaire. Mais la fête chez Sollers continue. C’est le même programme : décrire la société de son temps de façon très critique, en étant toujours ironique, mais jamais apocalyptique (ou alors, c’est que l’apocalypse est une énorme bouffonnerie, dit-il). Tout est humour chez Sollers. De cette façon, l’esprit n’en est pas à une épreuve près : « Après avoir traversé l’océan du cinéma, il dépassera aisément le tourbillon du Web », annonce-t-il.

C’est la dialectique qui veut ça. Entendez : la négation de la négation, c’est-à-dire l’infini lui-même selon Hegel.

 

 

Didier Pinaud, L'Humanité du 23 Juin, 2016

 

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